En général
La notion de harcèlement
En droit suisse, ni le code civil, ni le code des obligations, ni même le code pénal ne définissent ce qu’il faut entendre par « harcèlement sexuel ».
Il a fallu attendre 1995, pour que la loi sur l’égalité entre femmes et hommes (RS 151.1) donne enfin une définition du harcèlement et protège les femmes (et les hommes) qui en sont victimes.
Ainsi l’art. 4 LEg définit le harcèlement comme « tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l’appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d’imposer des contraintes ou d’exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d’obtenir d’elle des faveurs sexuelles ».
De son côté, le Tribunal fédéral a rendu plusieurs arrêts définissant le « stalking » et le punissant par d’autres biais. Nous y reviendrons dans la dernière partie de cet exposé.
Les outils légaux à disposition pour réprimer le harcèlement
Bien que le harcèlement ne constitue pas une infraction pénale (en raison du principe « nullum crimen sine lege », c’est-à-dire en raison du fait que qu’aucune disposition pénale ne réprime formellement le harcèlement), les victimes peuvent néanmoins agir par divers moyens.
Ainsi, en fonction des comportements incriminés, on pourra appliquer :
- Les art. 28 ss CC qui protègent la personnalité des personnes physiques ;
- L’art. 328 CO qui protège la personnalité des travailleurs ;
- La loi sur le travail
- La loi sur l’égalité qui définit le harcèlement ;
- Le code pénal qui réprime certains comportements constitutifs de « harcèlement ».
Le droit civil -> Le code civil
En général
On pourrait définir plus simplement le harcèlement sexuel comme tout comportement à caractère sexuel ou fondé sur l’appartenance à un sexe qui n’est pas souhaité par une personne et qui porte atteinte à sa dignité.
Le harcèlement sexuel peut prendre la forme de paroles, de gestes ou d’actes. Ses auteurs peuvent être des individus ou des groupes.
Concrètement, il s’agit par exemple :
- de remarques scabreuses ou embarrassantes sur l’apparence physique;
- de remarques sexistes ou de plaisanteries sur les caractéristiques sexuelles, le comportement sexuel ou l’orientation sexuelle;
- de présentation de matériel pornographique – qu’il soit montré ou suspendu;
- d’invitations importunes dans un but sexuel ;
- de contacts physiques non désirés ;
- de pratiques consistant à suivre quelqu’un;
- de tentatives d’approches accompagnées de promesses de récompenses ou de menaces de représailles;
- d’agressions sexuelles, de contrainte sexuelle, de tentatives de viol ou de viols.
Une règle simple permet de déterminer si une situation constitue un simple flirt, un début de relation amoureuse ou sexuelle ou au contraire un cas de harcèlement sexuel : ce qui distingue les deux types de situations n’est pas l’intention de la personne à l’origine de l’acte mais la façon dont il est ressenti par la personne concernée, le caractère désiré ou non du comportement.
Le sexisme est également réprimé. On entend par sexisme tout type de discrimination en raison du sexe. Les moqueries sur une personne en raison de son apparence physique, de son comportement en lien avec son appartenance à un sexe ou de son orientation sexuelle ou encore les remarques embarrassantes liées au fait d’être une femme ou un homme sont des comportements sexistes.
Les articles 28 ss CC
Le harcèlement sexuel constitue une atteinte à la personnalité au sens du droit civil (art. 28 ss CC).
Entré en vigueur le 1er juillet 2007, l’art. 28b CC est destiné à protéger les victimes « de violence, de menaces ou de harcèlement ». Les cas de harcèlement obsessionnel (stalking) sont visés par le terme « harcèlement ». Quiconque est poursuivi et harcelé de façon obsessionnelle par une personne sur une longue période peut intenter diverses actions en cessation. L’art. 28b, al. 1, ch. 1 à 3, CC contient une énumération non exhaustive de mesures protectrices, notamment :
- Interdiction de l’approcher ou d’accéder à un périmètre déterminé autour de son logement ;
- Interdiction de fréquenter certains lieux, notamment des rues, places ou quartiers ;
- Interdiction de prendre contact avec lui, notamment par téléphone, par écrit ou par voie électronique, ou de lui causer d’autres dérangements.
La loi ne fixe pas de limitation dans le temps pour ces mesures et laisse au juge le soin de décider de leur caractère limité ou illimité selon son appréciation des circonstances.
L’utilisation des possibilités offertes par le droit civil suppose toujours une initiative de la victime. Concrètement, cela signifie que la personne concernée doit présenter une demande au Tribunal pour qu’il ordonne des mesures de protection, le fardeau de la preuve étant intégralement à sa charge. La victime doit se résigner à ce que la procédure soit assez longue, à moins qu’une ordonnance de protection soit obtenue rapidement du tribunal civil par la voie de mesures provisionnelles. L’ordonnance peut, par exemple, interdire à l’auteur-e avec effet immédiat de s’approcher du domicile de la victime ou d’entrer en contact avec elle de quelque façon que ce soit. La victime doit éventuellement démontrer que les persécutions ou les menaces endurées l’exposent à un préjudice considérable difficile à réparer. De son côté, la personne qui harcèle est rendue attentive au fait que, si elle contrevient à l’ordonnance de protection, elle peut être poursuivie pénalement (amende) en vertu de l’art. 292 CP pour insoumission à une décision de l’autorité (Stengel/Drück, 2006 ; Fischbacher, 2006).
Un problème se pose cependant : depuis l’introduction du Code de procédure civile suisse (CPC), les demandes en justice motivées par la violation de droits de la personnalité – comme p. ex. ceux garantis par l’art. 28b CC – sont réglées en procédure simplifiée. Cela signifie notamment que la victime doit fournir elle-même les éléments essentiels à l’appui de ses griefs, éléments que le tribunal n’est pas tenu de réunir. En outre, si la victime n’est pas représentée par un avocat, elle se retrouve généralement en contact avec la personne qui la harcèle car le principe de l’oralité prévaut dans la procédure simplifiée (Zimmerlin 2011). Cela est hautement problématique dans le cas de harcèlement car les rencontres peuvent avoir pour effet de donner envie à l’auteur du harcèlement de continuer.
Outre l’art. 28b CC, les art. 172 ss CC (protection de l’union conjugale), 276 CPC (mesures provisionnelles pendant la procédure de divorce) et 426 ss CC (privation de liberté à des fins d’assistance) peuvent être invoqués dans certains cas de harcèlement obsessionnel.
S’agissant de la violence domestique, certains cantons ont également défini des dispositions relevant du droit de police. Elles peuvent être appliquées en fonction de l’intensité du harcèlement.
Suivant la gravité du harcèlement, la victime pourra demander un dédommagement pour tort moral (art. 49 CO, en relation avec 28ss CC).
Le droit du travail
Plusieurs textes légaux obligent l’employeur à veiller à ce que personne ne porte atteinte à la dignité des membres de son personnel et à ce que ces derniers soient protégés contre les discriminations au travail.
Le Code des obligations et la loi sur le travail requièrent de l’employeur qu’il protège la personnalité des travailleurs. La loi sur l’égalité place, quant à elle, au premier plan l’interdiction de la discrimination et qualifie le harcèlement sexuel non seulement d’atteinte à la dignité, mais aussi de comportement discriminatoire.
Le Code des obligations
Dans le cadre des rapports de travail, l’employeur doit veiller à ce que personne ne porte atteinte à la dignité des membres de son personnel et à ce que ces derniers soient protégés contre les discriminations au travail.
Selon l’art. 328 I CO l’employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur ; il manifeste les égards voulus pour sa santé et veille au maintien de sa moralité. En particulier, il veille à ce que les travailleurs ne soient pas harcelés sexuellement et qu’ils ne soient pas, cas échéant, désavantagés en raison de tels actes.
L’art. 328 CO impose à l’employeur, notamment, de protéger la personnalité du travailleur (intégrité physique et psychique, honneur, dignité, etc.), de manifester les égards voulus pour la santé de ce dernier et de prendre des mesures appropriées à cette fin. De son côté, le travailleur peut exiger de son employeur qu’il agisse contre les auteurs d’actes de harcèlement. Si l’employeur n’intervient pas pour protéger l’employé ou que les mesures mises en œuvre restent sans effet, l’employé peut, après en avoir averti son employeur, refuser d’exécuter son travail (art. 324 CO). Si le travailleur subit un dommage en raison du harcèlement dont il a été victime (p. ex. coûts de traitement), il peut prétendre à des dommages-intérêts (art. 97 en relation avec l’art. 328 CO) et, si les conditions sont remplies, à une réparation morale (art. 99 al. 3 en relation avec l’art. 49 CO) de la part de son employeur. Si la poursuite des rapports de travail ne peut être exigée de lui, il peut résilier immédiatement son contrat (art. 337 CO). Enfin, si l’employé est licencié pour une baisse de performance causée par le harcèlement dont il a fait l’objet, il peut contester le congé en faisant valoir son caractère abusif (art. 336 CO).
La loi sur l’égalité (LEg)
La loi sur l’égalité assure aussi une protection contre le harcèlement. Elle protège notamment les travailleurs contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail (art. 4 LEg) et donne divers moyens de recours aux victimes (art. 5 LEg). Comme déjà dit, c’est l’art. 4 LEg qui définit ce qu’est le harcèlement.
Selon l’art. 5 al. 3 LEg, « Lorsque la discrimination porte sur un cas de harcèlement sexuel, le tribunal ou l’autorité administrative peuvent également condamner l’employeur à verser au travailleur une indemnité, à moins que l’employeur ne prouve qu’il a pris les mesures que l’expérience commande, qui sont appropriées aux circonstances et que l’on peut équitablement exiger de lui pour prévenir ces actes ou y mettre fin. L’indemnité est fixée compte tenu de toutes les circonstances et calculée sur la base du salaire moyen suisse ».
A cette indemnité peut s’ajouter une indemnisation pour tort moral, dans les cas graves (art. 5 al. 5 LEg).
L’absence de mesures propres à éviter le harcèlement sexuel expose donc l’employeur à répondre des cas de harcèlement indépendamment de sa connaissance de la situation.
La loi sur l’égalité contient à son article 10 des prescriptions sur la protection contre le licenciement. Elle s’applique pour la durée d’une procédure interne à l’entreprise ou d’une procédure qui est pendante en justice. Cette disposition prévoit que :
« 1 La résiliation du contrat de travail par l’employeur ou l’employeuse est annulable lorsqu’elle ne repose pas sur un motif justifié et qu’elle fait suite à une réclamation adressée à un supérieur ou à un autre organe compétent au sein de l’entreprise, à l’ouverture d’une procédure de conciliation ou à l’introduction d’une action en justice.
2 Le travailleur ou la travailleuse est protégé contre le congé durant toute la durée des démarches effectuées au sein de l’entreprise, durant la procédure de conciliation et durant toute la durée du procès, de même que pendant le semestre qui suit la clôture des démarches ou de la procédure.
3 Le travailleur ou la travailleuse qui entend contester la résiliation de son contrat de travail doit saisir le tribunal dans le délai du congé. Le juge peut ordonner le réengagement provisoire du travailleur ou de la travailleuse pour la durée de la procédure lorsqu’il paraît vraisemblable que les conditions d’une annulation du congé sont remplies.
4 Le travailleur ou la travailleuse peut renoncer, au cours du procès, à poursuivre les rapports de travail et demander une indemnité au sens de l’art. 336a du code des obligations – en lieu et place de l’annulation du congé.
5 Le présent article est applicable par analogie lorsque le congé a été donné à la suite d’une action judiciaire intentée par une organisation au sens de l’art. 7. »
Une procédure peut également être introduite lorsque la personne plaignante ne travaille plus dans l’entreprise où l’incident s’est produit.
- La loi sur le travail (LTr)
La protection contre le harcèlement sexuel fait partie du devoir de diligence que doit assumer l’employeur vis-à-vis de ses collaborateurs. Elle comprend, d’une part, des mesures de prévention et, de l’autre, l’intervention en présence d’un cas de harcèlement sexuel :
Selon l’art. 6 al. 1 LTr, « Pour protéger la santé des travailleurs, l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures dont l’expérience a démontré la nécessité, que l’état de la technique permet d’appliquer et qui sont adaptées aux conditions d’exploitation de l’entreprise. Il doit en outre prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger l’intégrité personnelle des travailleurs. ».
Le commentaire des ordonnances 3 et 4 relatives à la loi sur le travail traite explicitement de la question du harcèlement sexuel, l’article 2 de l’ordonnance 3 relative à la loi sur le travail constituant le texte de référence en la matière.
L’art. 2 de l’OLT3 prévoit que :
«1° L’employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer et d’améliorer la protection de la santé et de garantir la santé physique et psychique des travailleurs. Il doit en particulier faire en sorte que :
- en matière d’ergonomie et d’hygiène, les conditions de travail soient bonnes;
- la santé ne subisse pas d’atteintes dues à des influences physiques, chimiques ou biologiques;
- des efforts excessifs ou trop répétitifs soient évités;
- le travail soit organisé d’une façon appropriée.
2° Les mesures d’hygiène que les autorités exigent de l’employeur doivent être proportionnelles au regard des répercussions qu’elles ont sur la conception du bâtiment et sur l’organisation de l’entreprise. »
L’art. 6 al. 1 LTr et l’art. 2 OLT 3 disposent ainsi expressément que les employeurs assujettis à la LTr sont tenus de garantir l’intégrité physique et psychique de leurs employés. Si l’employeur ne respecte pas ces dispositions, le travailleur peut porter l’affaire devant l’autorité compétente, laquelle a l’obligation d’examiner la dénonciation et, si celle-ci est fondée, de prendre les mesures qui s’imposent (art. 54 et 51 à 53 LTr). L’employeur est en outre punissable (art. 59 en relation avec l’art. 6 al. 1 LTr).
La responsabilité de l’employeur est également engagée quand des employés temporaires, des fournisseurs ou des clients sont à l’origine du harcèlement.
Le droit pénal -> Le Code pénal – En Général
A l’heure actuelle, le Code pénal ne prévoit pas de dispositions spécifiques concernant le harcèlement sexuel. Dès lors, le harcèlement sexuel n’est pas, en tant que tel, une infraction pénale (nullum crimen sine lege). Toutefois, heureusement le droit pénal sanctionne certains comportements entrant dans la définition du harcèlement.
Parmi ces dispositions, on peut citer :
- La contrainte (CP 181)
Dans la mesure où le harcèlement permet d’entraver la victime dans sa liberté d’action de sorte à obliger la victime à « faire, ne pas faire ou laisser faire un acte », il peut constituer une contrainte. Le harcèlement doit toutefois atteindre un niveau d’intensité suffisant pour être « propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l’entraver d’une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d’action ». Son intensité et ses effets doivent être analogues à la contrainte par la violence ou par la menace d’un dommage sérieux (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1) ;
- La contrainte sexuelle (CP 189)
Si le harcèlement prend la forme d’attouchements, ils peuvent également constituer une contrainte sexuelle.
- La menace (CP 180)
Il arrive régulièrement que le harcèlement soit une suite répétée de menaces explicites.
- Les lésions corporelles simples (CP 123)
Le harcèlement peut être sanctionnable dans la mesure de ses effets lorsqu’il entraine une atteinte à la santé psychique, de sorte à constituer une lésion corporelle simple (art. 123 CP).
En effet, la lésion corporelle simple inclut l’atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé incluant autant la santé physique que psychique (ATF 119 IV 25, consid. 2a et 134 IV 189, consid. 1.4).
Selon le Tribunal fédéral, « [pour] justifier la qualification de lésions corporelles, l’atteinte doit toutefois revêtir une certaine importance. Afin de déterminer ce qu’il en est, il y a lieu de tenir compte, d’une part, du genre et de l’intensité de l’atteinte et, d’autre part, de son impact sur le psychisme de la victime. Une atteinte de nature et d’intensité bénignes et qui n’engendre qu’un trouble passager et léger du sentiment de bien-être ne suffit pas. En revanche, une atteinte objectivement propre à générer une souffrance psychique et dont les effets sont d’une certaine durée et d’une certaine importance peut être constitutive de lésions corporelles. S’agissant en particulier des effets de l’atteinte, ils ne doivent pas être évalués uniquement en fonction de la sensibilité personnelle de la victime ; il faut bien plutôt se fonder sur les effets que l’atteinte peut avoir sur une personne de sensibilité moyenne placée dans la même situation. Les circonstances concrètes doivent néanmoins être prises en considération ; l’impact de l’atteinte ne sera pas nécessairement le même suivant l’âge de la victime, son état de santé, le cadre social dans lequel elle vit ou travaille, etc.».
Les cas de harcèlement suffisamment graves dans leurs conséquences peuvent donc être sanctionnés en tant que lésions corporelles simples au sens de l’art. 123 CP tel que l’a clairement reconnu, du moins en théorie, le Tribunal fédéral (TF 1B_730/2011 du 25 juin 2012, consid. 4.2) ;
On peut encore citer l’utilisation abusive d’une installation de communication (CP 179 septies), la violation de domicile (CP 186), la calomnie (CP 174), la diffamation (CP 173) et l’injure (CP 177).
- Le « stalking»
- En général
Le mot anglais « stalking » signifie au sens propre « s’approcher furtivement ». Ce concept désigne le fait de persécuter et de harceler une personne volontairement et de façon répétée, en menaçant son intégrité physique et/ou psychique et en lui faisant du tort directement ou indirectement. Le harcèlement obsessionnel englobe des faits de gravité très variable qui peuvent aller d’une recherche insistante d’attention jusqu’à l’agression physique ou sexuelle, voire à l’homicide de la victime. Parmi les comportements auxquels recourent les auteurs de harcèlement, on peut mentionner le fait de :
- observer, traquer en permanence la victime ou se poster à proximité gênante de celle-ci ;
- communiquer de façon continue à toute heure du jour ou de la nuit via des lettres, des e-mails, des appels téléphoniques ou des SMS ;
- déposer des messages via des médias sociaux ou sur la porte du domicile ou sur le lieu de travail, voire sur le véhicule de la victime ;
- interroger des tierces personnes et prendre contact indirectement avec la victime ;
- envoyer des cadeaux non souhaités ;
- propager des propos diffamatoires, insulter et menacer explicitement par oral la victime ou ses proches de recourir à la violence ;
- entrer de force dans le logement de la victime ;
- blesser ou tuer un animal domestique de la victime ;
- agresser physiquement ou sexuellement la victime…
Le plus souvent, le harcèlement est le fait d’hommes contre des femmes. Toutefois, toutes les combinaisons d’auteurs et de victimes existent (hommes/femmes, femmes/hommes, hommes/hommes, femmes/femmes). Le harceleur peut être un voisin, un collègue de travail, un client ou un fan de la personne concernée.
Le harcèlement obsessionnel vise la plupart du temps à obtenir de la victime davantage d’attention, un rapprochement ou une modification de son comportement (par exemple reprise d’une relation terminée). Un mobbing sur le lieu de travail peut évoluer en harcèlement obsessionnel même si la victime a quitté l’entreprise depuis longtemps. La vengeance peut aussi être un motif de harcèlement obsessionnel, en cas de séparation par exemple. Le harcèlement obsessionnel a pour but essentiel de causer des dommages psychiques ou psycho-sociaux et de conserver ou de rétablir le contrôle sur la victime.
Autrefois, le harcèlement n’était pas considéré comme un comportement socialement indésirable. Durant les dernières années, les choses ont changé et, désormais, le harcèlement obsessionnel, de même que toute violence envers les femmes, sont désormais prohibés par la loi.
En outre, les progrès techniques et la plus grande facilité d’accès à une grande variété de moyen de télécommunication facilitent de nouvelles formes de stalking. Ainsi, le cyber-harcèlement est très difficile voire impossible à neutraliser.
De nos jours, le nombre croissant de cas de persécution tient aussi à l’augmentation du nombre de divorce et aux changements plus fréquents de partenaires. Il devient difficile pour beaucoup de gens d’accepter un refus ou un échec sur le plan amoureux ou professionnel.
Les humiliations et les menaces subies provoquent souvent de graves maux psychiques chez les victimes de harcèlement obsessionnel (trouble du sommeil, état d’anxiété, diminution de la productivité et baisse de l’estime de soi, etc…). Ces maux perdurent souvent après la fin du harcèlement. Il est ainsi fréquent que les victimes changent de domicile ou de lieu de travail et qu’elles accroissent leur isolement social. Dans les cas graves, le harcèlement obsessionnel peut avoir des conséquences très sérieuses et aboutir au suicide de la victime.
- La Jurisprudence
Comme déjà dit, en Suisse, le harcèlement obsessionnel n’est pas une infraction en tant que telle. Le droit pénal en vigueur permet mal de prendre en compte et de réprimer les actes de harcèlement « léger », c’est-à-dire les actes qui, pris isolément, ne constituent pas des infractions pénales mais dont le cumul et la durée infligent un harcèlement à la victime. Ainsi, l’auteur commet des actions isolées qui n’atteignent pas le niveau de la contrainte ou d’une autre infraction pénale. A cela s’ajoute le fait que la victime se trouve souvent dans l’impossibilité d’apporter la preuve d’un comportement pénalement répréhensible. Ce qui fait que les poursuites pénales se soldent souvent par un classement de la procédure ou un acquittement de l’auteur.
En Suisse, l’introduction d’une norme pénale réprimant le stalking semblait irréaliste à l’heure actuelle, bien que le Conseil national ait adopté, le 3 juin 2009, la motion déposée le 18 septembre 2008 par la Conseillère nationale Doris Fiala, qui chargeait le Conseil fédéral de rendre punissable le harcèlement obsessionnel et d’ajouter à ce sujet un article au Code pénal. Le Conseil des Etats avait en effet rejeté cette motion le 23 septembre 2010. Il s’était ainsi rallié à l’avis du Conseil fédéral selon lequel le droit pénal actuel réprimait de manière suffisante le harcèlement obsessionnel, si bien qu’il était inutile de compléter le Code pénal par une disposition consacrée à la persécution obsessionnelle. De plus, le Conseil fédéral avait estimé que l’introduction de telles dispositions entrainerait d’épineux problème de délimitation avec les normes pénales existantes.
Heureusement, en date du 3 mai 2019, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a déposé une initiative de Commission afin de rendre explicitement punissable le harcèlement obsessionnel (dans le cadre des infractions pénales existantes : art. 180 et 181 CP). Il estime que l’arsenal juridique en vigueur est insuffisant pour punir le harcèlement obsessionnel et n’a qu’un effet préventif limité (https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?Affairld=20190433).
Les textes proposés sont les suivants :
- 180 CP Menaces
Celui qui, par une menace grave ou un harcèlement continuel, aura alarmé ou effrayé une personne sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
- 181 CP Contrainte
Celui qui, en usant de violence envers une personne, en la menaçant d’un dommage sérieux, en la persécutant à plusieurs reprises, en la harcelant, en l’épiant ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
De plus, en date du 13 novembre 2019, le Conseil fédéral a adopté une ordonnance, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2020, afin de concrétiser les mesures de prévention de la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique.
(https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-77061.html).
Dans l’intervalle la Jurisprudence a comblé cette lacune et rendu quelques arrêts définissant le « stalking » et trouvant un moyen de le punir en « faisant avec les moyens du bord », c’est-à-dire en appliquant les articles de loi existants. Ainsi, on peut citer notamment les arrêts suivants :
- ATF 129 IV 262 = JdT 2005 IV 207 ss
ATF 141 IV 437
- ATF 144 III 257